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Lettre ouverte – 8 mars 2025  

L’itinérance au féminin : ces femmes que les chiffres ne voient pas 

 

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, l’équipe de l’organisme Chez Doris, à Montréal, rappelle que les besoins spécifiques des femmes en situation d’itinérance ou de vulnérabilité sont trop souvent oubliés.  

Chaque jour, l’équipe de l’organisme Chez Doris tend la main à des femmes que personne ne voit. Nous accueillons celles qui luttent dans l’ombre : des visages marqués par la peur, la fatigue, la détresse. Qu’elles soient en situation d’itinérance, de vulnérabilité ou de précarité, nous sommes là pour les accompagner. À l’approche du recensement des personnes en situation d’itinérance, nous savons déjà que la réalité d’une grande partie d’entre elles sera, encore une fois, oubliée. 

Contrairement aux idées reçues, l’itinérance ne se résume pas aux tentes dans les parcs ou aux files d’attente devant les refuges. Pour les femmes, elle prend des formes plus discrètes : dormir dans une voiture avec ses enfants, enchaîner des hébergements temporaires chez des amis, ou accepter des relations abusives en échange d’un toit. Ces femmes ne se retrouvent pas dans les statistiques officielles, et pourtant, elles existent en nombre croissant. 

Chaque jour, nous accueillons des femmes âgées expulsées de leur logement après des décennies de stabilité, incapables de se reloger avec leur maigre pension. Des étudiantes, faute de revenus suffisants, se retrouvent sans domicile. D’autres, par honte ou par peur, préfèrent l’errance silencieuse. Chaque soir, notre liste d’attente compte toujours plus de 10 femmes en quête d’un endroit où dormir. Lorsqu’il nous est impossible de les accueillir malgré tous nos efforts, nous faisons tout pour leur trouver une solution et éviter qu’elles passent la nuit dans la rue. 

Les femmes en situation d’itinérance font face à des dangers spécifiques : agressions, exploitation, absence de lieux sécuritaires. En raison de leurs traumatismes, elles hésitent à aller dans les refuges mixtes et développent des stratégies de survie qui les rendent invisibles. Ce cercle vicieux de l’invisibilité perpétue leur exclusion et empêche toute réponse adaptée à leurs besoins. 

Pour ces raisons, nous sommes d’avis qu’il faut : 

  • Une nouvelle méthode de recensement qui tienne compte de l’itinérance cachée. 
  • La création urgente d’un plus grand nombre de ressources d’hébergement réservées aux femmes. 
  • Un financement récurrent pour les organismes qui les soutiennent. 
  • La reconnaissance officielle de l’itinérance féminine comme un problème distinct, nécessitant des solutions adaptées. 

En cette Journée internationale des droits des femmes, nous rappelons une chose essentielle : ces femmes ne sont pas invisibles. Derrière chaque chiffre manquant se cache une femme, un parcours, une lutte. Elles se cachent parce qu’elles n’ont pas le choix. Il est temps d’ouvrir les yeux et d’agir. Ensemble, mobilisons-nous pour que ces femmes ne soient plus oubliées. 

 

Diane Pilote, directrice générale  

Nancy Girard, directrice des opérations – centres de services 

Tania Filippone, directrice des programmes et services 

Béatrice Rock, gestionnaire des refuges 

Tamarah François, gestionnaire du centre de santé et services 

Et l’ensemble de l’équipe de Chez Doris