Au cœur de Montréal, l’organisme Chez Doris tisse bien plus que des mitaines : il tisse des liens, des histoires de résilience et de renaissance. Le programme de confection de mitaines, proposé chaque semaine, est bien plus qu’un atelier de travaux manuels. C’est un espace de guérison, de solidarité et de dignité pour des femmes qui ont traversé des épreuves souvent insoupçonnées.
Parmi elles, deux participantes ont eu la générosité de nous raconter leur parcours, marqué par l’exil, les violences psychologiques, la solitude et les défis de l’intégration. Hadjira est arrivée au Canada en 2015, en compagnie de son mari. Ce qui devait être une immigration sans histoire prend un tout autre virage, quand son mari est arrêté pour des crimes graves de pédophilie. En plus de devoir traverser un divorce difficile et de subir une pression intense de sa famille pour qu’elle ne quitte pas son mari, Hadjira se retrouve seule, sans repères, ni soutien. En se rappelant ces événements, elle devient très émotive. Même si 10 ans ont passé, on sent que la blessure est toujours aussi vive.
Hadjira débute rapidement une formation de coiffure pour subvenir à ses besoins. Toutefois, elle tombe rapidement malade, traumatisée par cette épreuve. Incapable de travailler, elle doit abandonner ses projets. C’est Chez Doris qui lui tend la main, lui offre un lit, des vêtements mais surtout une écoute et une reconnaissance.
Ouassima, pour sa part, entre au Canada en 2018, après un mariage forcé au Maroc avec un homme dominé par une mère possessive. Quitter son pays ne faisait pas partie de ses projets. Elle était très attachée à sa famille. Après son mariage, elle a dû suivre son conjoint au Canada. La relation s’est détériorée rapidement. Ouassima n’a jamais été acceptée ni reconnue par sa belle-famille, et a subi de lourdes violences psychologiques. Moins de deux ans après leur union, son mari l’a abandonnée, choisissant délibérément de ne pas venir la chercher à son retour du Maroc, à l’aéroport de Montréal.
Comme il était le principal soutien de famille, elle se retrouve isolée, sans soutien ni ressources financières. Elle découvre Chez Doris grâce à une intervenante qui l’accompagne dans ses démarches, lui explique les services disponibles et l’aide à retrouver confiance en elle.
Elle vit maintenant seule dans son appartement, mais continue de participer aux activités de Chez Doris. La communauté et le soutien qu’elle y trouve sont devenus essentiel pour son équilibre de vie.
Hadjira et Ouassima se rencontreront grâce au programme de confection de mitaines, animé par Christina Donolo, une bénévole engagée auprès des femmes de Chez Doris depuis 15 ans. L’accueil, la chaleur humaine et la bienveillance qui teintent ces ateliers les transforment rapidement en un véritable tremplin pour ces femmes. Chaque mercredi, elles se réunissent pour coudre, échanger, rire et parfois pleurer. Elles reçoivent une carte cadeau de 20 $ par participation, mais surtout, elles reçoivent de la chaleur humaine.
Certaines femmes, qui n’avaient jamais cousu auparavant, apprennent les techniques, s’entraident et deviennent même formatrices pour les nouvelles venues. Les mitaines confectionnées sont vendues lors d’événements, et les fonds récoltés permettent d’organiser des sorties, des repas, et d’offrir encore plus de services à celles qui en ont besoin.
Au-delà de l’aspect matériel, ce programme est un vecteur de reprise de contrôle. Il permet à des femmes marginalisées de retrouver leur place dans la société, de se sentir utiles, valorisées et reconnues. Hadjira en est un bel exemple : grâce à l’accompagnement reçu Chez Doris, notamment pour réviser et mieux comprendre les questions, elle a pu obtenir sa citoyenneté canadienne.
Hadjira et Ouassima incarnent une résilience remarquable. Malgré des épreuves douloureuses, elles ont retrouvé confiance, dignité et joie de vivre grâce à Chez Doris. Elles y ont trouvé un espace pour guérir, créer et tisser des liens. Aujourd’hui, elles sont debout, rayonnantes, et nous rappellent que franchir une porte peut changer une vie.
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